En complément, un article paru aujourd'hui dans le journal "Le Temps":
Ernst Haefliger, timbre vif-argent, voix d'or
DECES. Le ténor suisse, décédé le 17 mars, laisse des enregistrements exemplaires.
Julian Sykes
Samedi 24 mars 2007
De son vivant, déjà, sa voix avait un parfum d'éternité. Ernst Haefliger laisse des enregistrements qui témoignent de la pureté de son timbre, de la justesse de ses inflexions, d'une diction exemplaire au service de la parole sacrée comme du théâtre et de la poésie. On ne se lasse pas d'écouter son incarnation de l'Evangéliste dans Les Passions de Bach; son Belmonte dans L'Enlèvement au sérail de Mozart, son Tamino dans La Flûte enchantée.
Le ténor suisse, décédé le 17 mars à Davos d'une défaillance cardiaque (il avait 87 ans), n'était pas qu'un spécialiste de Bach et de Mozart: c'était aussi un fervent défenseur du lied (son Voyage d'hiver de Schubert compte parmi les plus poignants) et un interprète au service des compositeurs de son temps. Avant que sa renommée n'éclate, il avait servi Frank Martin dans les oratorios Le Vin herbé (rôle de Tristan, 1942), In Terra Pax (1945) et Golgotha (1949). Et l'année même où il chantait le Premier Homme d'Armes dans La Flûte enchantée sous la baguette de Wilhelm Furtwängler à Salzbourg (1949), il créait le rôle de Tiresias dans l'Antigonae de Carl Orff.
Partenaire de grands chefs
Son timbre vif-argent, son juste dosage entre passion et sobriété lui ont valu d'être reconnu par de grands chefs. Karl Richter le chérissait dans Bach (Passions et Cantates), à une époque où la révolution baroque n'avait pas encore battu son plein. Ferenc Fricsay avait trouvé en lui un digne partenaire à la mesure de sa baguette fine et cristalline pour les opéras de Mozart. En 1959, Bruno Walter s'était épris de sa voix au Festival de Vancouver. Un an après, l'illustre chef mahlérien l'invitait à enregistrer Le Chant de la terre (au côté de Mildred Miller), œuvre qu'il a gravée à plusieurs reprises, notamment avec Eugen Jochum au côté de Nan Merriman (une référence!).
Né à Davos le 6 juillet 1919, Ernst Haefliger avait étudié le chant et le violon au séminaire de Wettingen avant d'entrer au Conservatoire de Zurich. Comme Suzanne Danco et Jussi Björling, il eut l'Italien Fernando Carpi pour professeur, à Genève. Le grand ténor autrichien Julius Patzak, à Vienne, est l'autre mentor à avoir modelé son souffle. Ernst Haefliger a transmis sa passion à ses fils. L'un, Michael, dirige le Festival de Lucerne. L'autre, Andreas, est pianiste.
Outre ses engagements internationaux, Ernst Haefliger chanta en troupe à Zurich puis à la Städtische Oper de Berlin. Dès 1971, il enseigna à la Hochschule für Musik de Munich. Un ouvrage, L'Art du chant, publié en 1983 aux Editions Schott-Verlag, résume ses pensées de pédagogue.