L'histoire de la musique regorge d'opéras maudits dès avant leur création. Je vous ai parlé de Mireille dont les tribulations font l'objet d'un fil particulier, mais au moins Gounod eut le privilège de voir son oeuvre créée. Les Troyens d'Hector Berlioz, eux, ont été encore plus maltraités que Mireille : cet opéra en cinq actes et deux parties a été écrit à partir de l'oeuvre de Virgile. Le poême a été écrit entre 1853 et 1857 et fit l'objet d'une correspondance abondante entre Berlioz et la princesse allemande qui avait poussé le compositeur à s'y atteler ainsi qu'entre le compositeur et son fils, matelot, auquel il pensa lorsqu'il en arriva à la chanson du jeune matelot dans le dernier acte. La composition lui demanda autant de temps vu que Berlioz avait de nombreuses obligations, notemment de critique musical. D'autre part Berlioz dut se résoudre à faire monter son opéra au théâtre lyrique en deux parties et non d'un seul tenant : La chute de Troie (actes 1 et 2) et Les Troyens à Carthage (Actes 3 à 5). C'est la seconde partie qui fut créée en premier, Berlioz ne devant jamais voir la création de La chute de Troie. L'oeuvre jugée trop longue (4H), alors que d'autres avaient une durée supérieure (certains opéras de Wagner par exemple), fut également mutilée mais jamais représentée en entier. C'est grâce à Sir Colin Davis qui fit un patient travail de recherches musicologique que Les troyens furent montés en 1957 à Londres, enfin, en une seule oeuvre et non en deux parties. Néanmoins les 1600 mesures supprimées arbitrairement peu après la création n'ont jamais été retrouvées. C'est aussi Sir Colins Davis qui enregistra Les Troyens au disque en 1969 pour la première fois; cette version reste celle de référence.