Nicolas Bernier est un compositeur français né le 28 juin 1664 à Mantes-sur-Seine (actuelle Mantes-la-Jolie) et mort le 5 septembre 1734 à Paris.
Fils de Rémy Bernier et de Marguerite Bauly, c'est à la maîtrise de la cathédrale de sa ville natale que le jeune Nicolas débute ses études. Il suit également l'enseignement choral de celle d'Evreux toute proche. Bien que L’ État actuel de la Musique du Roi de 1773 fasse état d’études avec Antonio Caldara (1670-1736) en Italie nous n'avons pas conservé de preuve plus tangible d'un voyage outre-monts. Bernier semble toutefois être arrivé à Paris peu avant 1692, date à laquelle il loge rue Tiquetonne, (dans l'actuel 2e arrondissement de Paris) et y enseigne le clavecin. Selon Evrard Titon du Tillet, "il y fit en peu de temps de grands progrès, ce qui lui donna dans la suite des Protecteurs de la plus grande considération, dont M. le Duc d'Orléans, petit-fils de France, voulut bien être du nombre". L'année suivante, en 1693, il échoue au concours ouvrant les portes de maître de chapelle de la cathédrale de Rouen face à Jean-François Lalouette (1651-1728) élève et secrétaire de Lully. Le 17 septembre 1694, il se console néanmoins en décrochant la direction de la maîtrise de la cathédrale de Chartres puis, le 18 mars 1698 celle de l'Église Saint-Germain-l'Auxerrois à Paris. Le 21 octobre 1700, l'un de ses Te Deum est joué avec succès devant le roi au Château de Fontainebleau. Selon le Mercure de france d'avril 1701, Bernier redonna l'œuvre à Saint-Germain-l'Auxerrois, exécutée "par un grand nombre de voix, qui furent bien secondées par la bonté d'un très-grand nombre d'instrumens." Il se lance alors dans la publication de petits motets, genre qu'il maîtrisera avec brio. La dédicace de son premier livre de 1703 montre qu'il était déjà attaché à la famille royale puisqu'il s'offre le haut patronnage du jeune duc de Bourgogne : "Monseigneur, Je ne suis pas assez téméraire pour entreprendre de faire ici votre Eloge, je sens que c’est une chose infiniment au dessus de moy. Toutte l’Europe conoist assez quelles sont vos vertus, et personne n’ignore que vous marchez à grands pas sur les traces de vos ayeuls. La France Entière sçait qu’à l’Exemple de Louis le grand, et de Monseigneur le Daufin, une profonde piété jointe à un zèle ardent pour la vraye Religion, fait un de vos soins les plus chers, et ceux qui ont l’honeur de vous aprocher ressentent tous les jours les effects de la grandeur de votre Ame, et de la générosité de votre cœur. C’est pourquoy, Monseigneur, je garderay un silence respectueux sur touttes ces Eminentes vertus dans la crainte de ne pouvoir les Elever autant qu’elles le méritent. Je me contenteray seullement de publier par tout que vous avez un dicernement parfait pour tous les beaux arts, et particulièrement pour la Musique que vous conoissez toutte la délicatesse et toutte la force de l’harmonie, que vous en faites un de vos plus agréables amusements, dans les intervalles que vous dérobez à vos occupations sérieuses, et qu’enfin vous acordez une protection si singulière aux maistres en cet Art, que vous les animez à s’y rendre plus parfaits pour vous plaire. Ce sont ces raisons, Monseigneur, qui m’ont déterminé à composer ces Mottets pour les mettre au jour, et qui m’ont fait prendre la liberté de vous les présenter, d’autant plus qu’ils ne enferment que des choses pieuses qui concernent le culte divin. Je m’estimeray trop heureux, Monseigneur, si vous avez la bonté de les agréer, et si dans les moments de votre loisir, vous daignez jetter dessus quelques regards favorables. C’est la grace que vous demande celui qui sera toutte sa vie, avec un profond respect, Monseigneur, Vostre très humble, très obéissant et très soumis serviteur, Bernier."
Quelques années plus tard, en 1713, son second opus trahit ses relations avec la puissante famille des Noailles, qui donna de grandes figures au pouvoir militaire, politique et religieux à la France, ce que confirme une fois de plus Titon du Tillet : "M. le Duc de Noailles, aujourd'hui Maréchal de France, a donné aussi de grandes marques de sa protection à ce Musicien." En l'occurrence, il s'agit ici d'Anne Jules de Noailles, comte d'Ayen : "A Monseigneur le Duc de Noailles, Pair de France, Grand d’Espagne, Chevalier de la Toison d’or ; Premier Capitaine des Gardes du Corps du Roy, Lieutenant-Général des Armées de sa Majesté, Gouverneur des Provinces de Berry et de Roussillon, Comte d’Ayen, de Mouchy, &c.
Monseigneur, J’ay ressenti les effets de la protection de Votre Grandeur en tant d’occasions différentes, que je ne puis retenir plus longtemps le respectueux silence qui m’a empêché jusqu'à présent de publier à toute la France les graces dont vous m’avez comblé. C’est à vous, Monseigneur, a qui je dois toutes les bontez qu’eut pour moy Feu Monseigneur le Maréchal votre Illustre Père, dont la mémoire sera toujours chère aux gens de bien, et dont je conserveray le souvenir toute ma vie. C’est à Votre grandeur que je suis redevable de la faveur de Son Eminence Mgr. Le Cardinal de Noailles dont la piété et les vertus sont l’exemple de l’ornement du Clergé. C’est à vous en un mot que je dois l’honneur de faire chanter devant le plus Grand Roy du Monde ; honneur, qui m’est d’autant plus sensible que mon peu de mérite m’en éloigneroit sans l’apui de V. G. Comme c’est d’Elle que je tiens tous ces differens avantages, il est bien juste que je lui donne une marque, foible à la vérité mais sincère, de ma reconnoissance et de mon parfait dévoüemt. En lui offrant ce second Livre de Mottets. L’accueil favorable que Votre Grandeur a toujours fait à mes ouvrages, me fait espérer qu’Elle voudra bien avoir pour celui cy la même indulgence qu’Elle a eu pour les autres. Après cela j’estimeray mon travail bien recompensé, si dans les heures de son loisir, Elle daigne quelquefois l’honnorer de ses regards. Ce seroit icy l’endroit, Monseigneur, ou je devrois publier les vertus heroiques de V. G. sur tout cette chaleur intrépide que avez fait paroitre en tant d’occasions, et en dernier lieu à la prise de Girone. Ce seroit icy ou il me seroit permis de loüer avec justice la piété, la grandeur d’ame et la magnificence qui vous sont si familières et qui sont les apanages de votre illustre famille. Mais, Monseigneur, il n’apartient pas à un génie aussi borné que le mien de faire l’Eloge de V. G. Il faut une plume plus délicate que la mienne pour écrire sur un sujet si relevé. Je me borneray donc à l’admiration de toutes vos brillantes qualitez, et penetré que je suis de vénération et de reconnoissance, je ne cesseray jamais de ma dire et d’être avec tout le respect possible, Monseigneur, De Votre grandeur, le très humble, très obéissant et très obligé serviteur, N. Bernier."
Le 5 avril 1705, Bernier succède alors à Marc-Antoine Charpentier comme maître de musique de la Sainte-Chapelle de Paris avec l'appui du Régent. A cette époque, Lecerf de La Viéville, dans son Discours sur la musique d'Eglise, parlait déjà, à plusieurs reprises, d'un "abbé Bernier" d'où la confusion sur l'état soit-disant ecclésiastique du musicien. A sa suite, en 1910, Michel Brenet, pensait que Bernier "avait probablement pris les ordres mineurs". En réalité, il eut, par dérogation extraordinaire du Régent, le droit de porter le collet et d'occuper une charge qui incombait d'ordinaire à un célibataire harborant l'habit religieux... Titon du Tillet précise alors que "le Prince obtint du Chapitre, qu'il conserveroit sa place, à condition que sa femme n'habiteroit pas dans la maison destinée au Maître de Musique ; exemple unique, cette place ne pouvant être remplie que par un homme dans le célibat avec l'habit Ecclésiastique". Son activité au sein du Palais est intense, illustré par la publication de ses deux livres de motets nous l'avons vu. Le 20 juin 1712, alors qu'il demeure "à Paris Cour du Palais", on sait qu'il contacte mariage avec Marie-Catherine Marais, la fille du célèbre gambiste Marin Marais et Mlle Damicourt. Parain de Pélagie Marais, Bernier semble d'ailleurs fréquenter la famille depuis un certain temps puisque l'épousée habitait avec ses parents sur la paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois, rue Bertin-Poirée. En 1715, Bernier participe aux divertissements donnés par la duchesse du Maine en son château de Sceaux : ce sont les fameuses Nuits de Sceaux, sorte de fêtes virevoltantes accueillant de nombreux compositeurs comme Mouret ou Boismortier. En 1723 l'éducation des pages de la Chapelle royale lui est confiée et il reçoit par surcroît l'un des trois quartiers de sous-maître de musique de la Chapelle royale conjointement détenu par Michel-Richard de Lalande, Charles Hubert Gervais et André Campra. Afin de succéder à Lalande (qui venait tout juste de décéder), comme chargé de l'éducation des pages de la Chapelle royale (poste qu'il conservera jusqu'en 1733), Nicolas Bernier démissionne de son poste à la Sainte-Chapelle le 18 novembre 1726, en faveur d'un de ses élèvres François de La Croix, lequel fera d'ailleurs publier en 1741 (à titre posthume) trois motets inédits de son maître, accompagné des siens. L'inventaire après-décès de Bernier mentionnait en effet "les partitions et les parties tirées à la main de trente six motets manuscrits de la composition dud. deffunt pour l'usage de la Chapelle du roy" ; feuillets qu'il légua par testament à La Croix : "Je legue et donne au susdit Sieur de La Croix toutes les planches gravées de mon premier et de mon second œuvre de motets et les planches du troisième que javois comencé qui n'ont pas encore esté estampées". L'ouvrage est dédié à Massire Nicolas de Vichy-Chamron... Nicolas Bernier est inhumé en l'Église Saint-Jean-le-Rond. « Bernier, si recommandable par sa science et par le grand nombre d'élèves qui sont sortis de ses mains, a composé de très-beau [sic] motets remarquables, surtout par les excellentes fugues qui s'y trouvent » nous avouait Pierre-Louis d'Aquin de Château-Lyon dans ses Lettres sur les hommes célèbres (1754, p.94).
Après Marc-Antoine Charpentier, Bernier est probablement le compositeur français qui a le mieux assimilé le style italien. Ses motets constituent une synthèse parfaite des goûts français et italien, mais là où ses compatriotes imitent tant bien que mal le style transalpin, l’artiste offre un modèle à suivre. Il en ira de même un peu plus tard chez Hasse qui maîtrisait mieux le style napolitain qu’on ne le faisait au pied du Vésuve! Le génie de Bernier s’exprime à la fois par son invention harmonique, son sens rythmique et sa science contrapuntique. Des mouvements fugués tels que Principes populorum (Omnes Gentes) portent la signature d’un des très grands maîtres français du contrepoint. Nicolas Bernier a trouvé dans le petit motet un lieu d’expression privilégiée et s’impose comme le plus grand maître du genre. Paru en 1703, son Premier Livre attestait d’emblée une maîtrise époustouflante. La qualité première de ses petits motets est d’offrir une construction dépassant le cadre fixé par ses prédécesseurs. De plus, il imprime une théâtralité au discours qui se traduit par la présence de plusieurs récitatifs, parfois trois par motet. Dans les Premier (1695) et Second Livres (1700) d’André Campra, on n’en trouvait aucun. Seuls Marc-Antoine Charpentier avant Bernier et François Couperin parmi ses contemporains (les Trois Leçons de Ténèbres datent de 1714) peuvent soutenir la comparaison. Quelques-uns des ses petits motets obéissent à une forme cyclique, le premier mouvement étant répété à la fin de chacune des autres parties. D’autres sont conçus afin de s’enchaîner sans aucune interruption. Un changement survient par ailleurs entre le Premier et le Second Livre : dans ce dernier, la forme se révèle plus ample et l’écriture plus virtuose, surtout pour les parties instrumentales.
source : wikipédia