Né à Glasgow le 10 avril 1864, Eugen d'Albert s'initie d'abord à la musique en autoditacte, avant d'entrer à la National Training School de Londres — dont le directeur est le célèbre compositeur d'opérettes Arthur Sullivan — où il étudie le piano avec Ernst Bauer à partir de 1876. Trois ans plus tard, Anton Rubinstein lui prédit déjà un « succès mondial », et le chef d'orchestre Hans Richter emmène le jeune homme de seize ans à Vienne, où il est présenté à Franz Liszt et à Carl Tausig : c'est auprès d'eux qu'il achève son éducation pianistique, tout en bénéficiant, pour la composition, des conseils de Johannes Brahms et du critique musical Eduard Hanslick. Ce sont ses premiers concerts à Berlin, au début des années 1880, qui lancent véritablement sa carrière ; et en 1883, il entame une gigantesque tournée en Europe et en Amérique. Ses interprétations des œuvres de Bach et de Beethoven le rendent bientôt plus célèbre, en tant que pianiste, que Ferruccio Busoni ou Max Reger. Brillant pédagogue, il transmet la tradition pianistique de Liszt à ses élèves, parmi lesquels on compte Wilhelm Backhaus ou encore Edwin Fischer. Le premier opus d'Eugen d'Albert, une suite pour piano en ré mineur, qu'il compose à l'âge de 19 ans, révèle son admiration pour Bach, tandis que dans son premier concerto pour piano, écrit un an plus tard, apparaît l'évidente influence de Liszt — à qui l'œuvre est d'ailleurs dédiée. Mais rapidement, Eugen d'Albert acquiert son style propre, s'articulant autour d'une approche harmonique plus personnelle et une recherche formelle typique de la tradition brahmsienne, comme le montrent son second concerto pour piano (1893) et son concerto pour violoncelle (1899) ; ou encore ses deux quatuors à cordes, datés respectivement de 1888 et 1893, qui s'inscrivent dans la grande lignée germanique de la musique de chambre. C'est néanmoins dans la musique vocale que la créativité d'Eugen d'Albert trouve son plus grand épanouissement : outre ses 58 lieder — dont une grande partie est inspirée par Hermine Finck, une de ses six épouses successives — sa production ne compte pas moins de 20 opéras, composés entre 1893 et 1932. Hormis dans le genre de l'opéra-comique, où il s'émancipe de son aîné, d'Albert conserve dans ses œuvres dramatiques de nombreuses habitudes wagnériennes — à commencer par l'emploi du leitmotiv — tout en assimilant l'influence italienne et plus particulièrement celle du courant vériste. De cette œuvre abondante, on retiendra surtout Die toten Augen (1916) et Tiefland (1903), ses deux seuls opéras qui conservent aujourd'hui encore une certaine renommée.
source : wikipédia