Il était né un 13 septembre 1929 à Velingrad, dans le sud de la Bulgarie. C’est en enfant de chœur dans l’église où son père, sacristain, officie, qu’il découvre la musique et le chant. Il commence ses études de chant à l’Académie de musique de Sofia, puis au Conservatoire de Saint-Pétersbourg et de Moscou. Très vite, il s’y révèle doté d’une voix de basse alliant puissance, rondeur, stabilité, légèreté et souplesse. Ghiaurov allait aborder, jusque tard dans sa carrière, les plus grands rôles de basse des répertoires italien, russe et français.
C’est en 1955 qu’il fait ses débuts dans la capitale bulgare dans Le Barbier de Séville de Rossini et la même année, il remporte en 1955 le Concours International de Chant de Paris. Toutefois il pâtit, en France tout au moins, de la concurrence de son célèbre compatriote Boris Christoff (de quinze ans son aîné). Ce dernier en effet enregistre en 1958 le rôle de Méphistophélès pour le label EMI, sous la direction d’André Cluytens, avec une diction française, qui, comme celle de Ghiaurov, était, selon les témoins de l’époque, loin d’être parfaite. Vingt ans plus tard, et sous la direction de Georges Prêtre, Ghiaurov gravera le rôle, avec Mirella Freni et Placido Domingo, pour le même éditeur. Sa victoire au Concours international de chant de Paris lui ouvre très vite les portes des plus grandes scènes : l’Opéra de Vienne et le Bolchoï de Moscou (en 1957), puis la Scala de Milan (en 1959), dont il devient l’une des vedettes, le Covent Garden de Londres (en 1962). De 1961 à 1964, il participe au Festival de Vérone. Mais il appartient toujours à l’Opéra de Sofia, avec lequel il entreprend une tournée légendaire en Allemagne. Puis il fait ses débuts, très attendus, au Metropolitan Opera de New York (dans le rôle de Méphistophélès du Faust de Gounod) et au Festival de Salzbourg (en 1965, puis en 1966), où, invité par Karajan, il étrenne le rôle-titre de Boris Godounov dont il a par la suite, comme son confrère Christoff chanté les rôles de Pimen et Varlaam. (Il l’enregistrera par deux fois au disque, d’abord avec Herbert von Karajan, en 1970 — pour Decca —, puis avec son compatriote Emil Tchakarov, en 1986 pour Sony)
Au lendemain de sa première à New-York, il reçoit les honneurs d’un article dithyrambique signé Harold C. Schonberg, le redouté critique du New York Times, qui traçait le plus exact des portraits de la silhouette vocale de la basse bulgare, dont voici quelques extraits : « Cette basse de 36 ans a déjà reçu le type d’adulation d’ordinaire réservé, à travers le monde, aux sopranos et aux ténors. (...) L’homme est en effet sensationnel. Non seulement il possède une voix remarquable mais il est également grand dans tous les sens du terme. Bon acteur, quoique un peu de la vieille école, il domine tout simplement la scène. Il a ce type de présence que possédaient Pinza et Chaliapine. Si la voix a un défaut, c’est dans le registre grave, où elle sonne légèrement étroite et peu à l’aise. Mais autour de l’ut médium, elle prend de la force et, dès lors, c’est un objet de gloire. (...) La ligne de chant est souple, la voix de velours est d’une largeur exceptionnelle, dont — Ghiaurov — use avec la plus grande flexibilité — et qu’il sait — intégrer magnifiquement aux ensembles… »
A Paris, c’est en 1963 que Ghiaurov fait ses débuts sur la scène de l’Opéra : dans Don Carlo, de Verdi, il chante Philippe II en alternance avec Boris Christoff. En 1974, il se produit dans Don Quichotte, de Jules Massenet, sur la scène du Palais Garnier (rôle qu’il gravera en 1979 pour Decca, avec Régine Crespin). La saison suivante, avec Mirella Freni, il prend part au scandale créé par la mise en scène de Jorge Lavelli du Faust de Gounod... Sa discographie est particulièrement abondante. On relèvera notamment : Le Requiem de Verdi, sous la direction d’Herbert von Karajan (Deutsche Grammophon) et de Carlo Maria Giulini (EMI), de nombreux opéras italiens dirigés par Carlo Maria Giulini, Claudio Abbado, Giuseppe Sinopoli, Ricardo Muti ou James Levine, aux côtés des plus grandes stars lyriques de son temps (Luciano Pavarotti, Placido Domingo, Piero Capucilli, Joan Sutherland, Katia Ricciarelli, Mirella Freni, Christa Ludwig, etc.). .Le timbre puissant et chaleureux de sa voix fait de lui l’une des grandes basses slaves de la seonde moitié du siècle passé. Que ceux qui ne pourraient pas acquérir les différentes intégrales lyriques auxquelles Nikolaï Ghiaurov a participé, se procurent seulement l’acquisition du volume d’hommage que Decca lui a rendu en 2002, dans sa collection « The Singers ».
Nicolaï Ghiaurov nous a quittés le mercredi 2 juin, dans un hôpital de Modène, en Italie, pays où il avait fait le choix de s’établir en 1959 et où il avait épousé, en 1981, en secondes noces, la célèbre soprano italienne Mirella Freni. Il était âgé de 74 ans. Si, au cours des dernières années, sa voix avait quelque peu perdu de sa substance il continuait de se produire en public : en janvier dernier, Nikolaï Ghiaurov chantait à Venise le rôle de Don Basilio, du Barbier de Séville de Rossini, rôle dans lequel il avait fait ses débuts, quelque cinquante ans plus tôt, à l’Opéra de Sofia. C’est Madame Christina Angelakova, directrice de l’Opéra de Sofia, avertie par la famille du chanteur, qui a révélé qu’il avait succombé aux suites d’une broncho-pneumonie.
Dès la nouvelle de sa disparition, les premières réactions officielles à sa mort, notamment celles de personnalités artistiques de son pays natal tout autant que d’Italie, tombaient. Nous retiendrons seulement celle du grand ténor Carlo Bergonzi : « Pour moi, il était la dernière grande basse verdienne de l’histoire ». Indiscutablement, sa disparition va laisser un grand vide, tant que la scène qu’au disque et…dans nos cœurs. On entrevoit difficilement aujourd’hui celui qui prendra sa relève.
source :
http://www.resmusica.com/aff_articles.php3?num_art=812