Arnold Schönberg est un compositeur et théoricien autrichien né le 13 septembre 1874 à Vienne, et mort le 13 juillet 1951 à Los Angeles (États-Unis). Son influence sur la musique du XXe siècle a été considérable. À noter que l'orthographe de son nom a été anglicisée en Schoenberg, qui est d'ailleurs l'orthographe retenue comme forme savante à valeur internationale (selon la Bibliothèque nationale de France).
Arnold Schönberg fut l'élève d'Alexander von Zemlinsky et fonda avec ses élèves Alban Berg et Anton Webern la seconde école de Vienne, avant de s'installer à Berlin pour y enseigner la musique. Pédagogue et théoricien de réputation mondiale, Schönberg eut pour autres élèves notamment Hanns Eisler, Egon Wellesz, Otto Klemperer, Theodor Adorno, Viktor Ullmann, Winfried Zillig, René Leibowitz, Josef Rufer, Roberto Gerhard et John Cage.
Après des œuvres qui procèdent de son admiration pour Richard Wagner et Richard Strauss, dont il a assimilé l'art avec une prodigieuse maîtrise (La Nuit transfigurée, sextuor à cordes, 1899 ; Gurrelieder, cantate profane en deux parties pour chœurs, solistes et grand orchestre, 1900-1911 ; Quatuor à cordes n° 1, 1905), il élimine au terme d'une profonde évolution (dont les étapes principales sont le Quatuor à cordes n° 2, 1908, avec sa révolutionnaire partie pour soprano dans le dernier mouvement, sur un poème approprié de Stefan George affirmant « je ressens l'air d'autres planètes » ; les cinq pièces pour orchestre, 1909 ; les six petites pièces pour piano, 1911) les relations tonales et élabore le mode de déclamation du « Sprechgesang » (« chant parlé ») avec Pierrot lunaire pour soprano et huit instruments solistes en 1912. Cette composition l'établit définitivement en tête des compositeurs les plus influents de son temps. Igor Stravinski (Trois poésies de la lyrique japonaise) et Maurice Ravel (Trois poèmes de Mallarmé) l'imitent, Darius Milhaud le fait jouer à Paris et Ernest Ansermet à Zurich, tandis que l'Europe musicale se divise en atonalistes et anti-atonalistes, ces derniers n'hésitant pas à perturber des concerts et à demander le renvoi de Schönberg de sa chaire de professeur. Patriote autrichien dans l'âme (et plus tard nostalgique de l'empire des Habsbourg), ce dernier se porte volontaire durant la Première Guerre mondiale, où il sert à l'arrière, malgré son âge relativement avancé. Cela lui vaudra l'animosité de Claude Debussy, tout aussi chauvin que lui, mais du bord opposé. Recherchant de plus en plus le systématisme de la construction musicale dans l'esprit du classicisme du XVIIIe siècle tel que synthétisé par Johannes Brahms, mais dans une expression moderne — il s'agit donc d'une double transcendance de l'esprit bacho-mozartien, car c'est finalement dans le « conservateur » Brahms que Schönberg reconnaît le véritable novateur — il inaugure en 1923 une technique de composition fondée sur la notion de série qui le place à l’avant-garde du mouvement musical : Suite pour piano(1923), Quatuor à cordes n° 3 (1927), Variations pour orchestre (1928), Moïse et Aron (opéra inachevé, 1930-1932). Fuyant le nazisme, il s’établit aux États-Unis en 1933, où il développe un dodécaphonisme « classique » : Concerto pour violon (1936), Ode to Napoleon Bonaparte pour baryton, quatuor à cordes et piano (1942), Concerto pour piano (idem), Trio pour cordes (1946), Un Survivant de Varsovie (oratorio dramatique, 1947). En parallèle, il écrit des œuvres qui démontrent son intérêt pour un retour à une tonalité maîtrisée : achèvement de la seconde "symphonie de chambre" (Kammersinfonie) (commencée en 1906, terminée en 1939); composition d'œuvres vocales d'inspiration religieuse juive (Kol Nidre 1938, Psaume 130 et Psaume moderne — moderner Psalm — (1950). Vivant dans un certain dénuement, Schönberg continue d'enseigner jusqu'à sa mort. C'est à des mécènes comme Elizabeth Sprague-Coolidge et à des musiciens comme Leopold Stokowski, le pianiste Eduard Steuermann et le violoniste et beau-frère du compositeur Rudolf Kolisch que nous devons les commandes de la plupart de ses œuvres de la période américaine. Bien qu'installé à seulement quelques pâtés de maison de Stravinski, Schönberg, qui le détestait car il le jugeait futile, refusait obstinément de le voir ou même d'entendre parler de lui. Stravinski le lui rendait bien, mais ne s'opposa plus à ses théories après sa mort, et sut lui rendre hommage. Schönberg avait cinq enfants de deux mariages : Gertrud, Georg, (Deborah) Nuria, Ronald (Ronny) et Lawrence (Larry), ce dernier conçu à l'âge de soixante-six ans. Nuria deviendra l'épouse du compositeur italien (et marxiste) Luigi Nono. Randol Schönberg, l'un de ses petits-fils (notons l'anagramme que forme son prénom ! ) est, quant à lui, un important avocat américain, spécialiste du droit de succession et tout particulièrement des restitutions de biens spoliés par les Nazis.
C'est le musicologue et chef d'orchestre René Leibowitz qui a le plus fait pour introduire dans une France ravélienne et debussyste le système dit (Schönberg refusait le terme "atonal") "de composition avec douze sons". Nous allons tenter d'en résumer les principes et la génèse. Au début de sa carrière, Schönberg est un compositeur extrêmement romantique, dépositaire d'une tradition musicale essentiellement germanique. C'est un admirateur inconditionel de Wagner et de Brahms, bien entendu, mais aussi de Mozart, de Beethoven, et évidemment du grand parmi les grands, Bach. Peut-être personne n'a mieux compris Brahms et Wagner que lui, deux prédécesseurs desquels il arrive à concilier les influences ce qui semble à l'époque contradictoire. Schönberg en est arrivé à créer son système au terme d'une analyse très personnelle de l'évolution de l'harmonie à la fin du romantisme, où il voyait à l'œuvre des forces irrépressibles de désagrégation de la tonalité. Selon Schönberg, l'accumulation des modulations se succédant de plus en plus vite, l'usage croissant des appoggiatures, des notes de passage, des échappées, des broderies et autres notes étrangères à l'accord habituent l'auditeur à « supporter » des dissonnances de plus en plus audacieuses. Et de fait les premières œuvres de Schönberg, à savoir ses premiers lieder, évoquant Hugo Wolf; la poignante, inquiétante et « Tristanienne » « Nuit Transfigurée », les gigantesques « Gurrelieder » et le déjà ambigu « Pelleas und Melisande » comportent des passages très chromatiques où la tonalité semble déjà plus ou moins suspendue. Le processus se poursuit avec le premier quatuor (1905), déjà « atonal » à l'oreille non exercée. La suspension des fonctions tonales est complète dans le second quatuor, op. 10 (1908). Il semble que Schönberg se soit alors trouvé à cette époque face à un redoutable problème artistique. La suspension de la tonalité avait déjà été tentée (même si Schönberg l'ignorait) par d'autres compositeurs (« Bagatelle sans tonalité », de Franz Liszt (1885) n'est que semi-atonale), mais Schönberg était arrivé à ce stade non par tâtonnements mais par un processus compositionnel très progressif et très contrôlé. Il ne pouvait plus reculer mais, en même temps, abolissant toutes les règles de l'écriture, il venait d'anéantir à la fois le contrepoint, l'harmonie et la mélodie, sans sytème « organiseur » alternatif. Que faire ?Sans tonalité, les douze sons qui constituent notre système musical occidental n'ont plus de fonction définie : plus de degrés, donc plus de dominante, de sous dominante, etc. Schönberg mit donc au point un système qu'il baptisa « Reihenkomposition », ou « composition sérielle », destiné, en fait, à organiser le chaos sonore qu'il redoutait de voir se substituer à la tonalité. Il décrèta ainsi que tout morceau devrait être basé sur une « série » de douze sons, les douze sons de l'échelle chromatique: do, do dièse, ré, ré dièse, etc., jusqu'à si. L'on peut donc faire se succèder ces douze sons dans l'ordre que l'on veut (au gré de l'inspiration « sérielle »), et l'on ne doit pas répéter deux fois le même son. La série peut ensuite être utilisée par mouvement inverse, puis par miroir, être transposée, puis par fragment, et enfin sous forme d'agrégation. Tout le morceau découle donc d'une série préalablement établie, ce qui donne donc un cadre formel substitutif de la tonalité. La première œuvre de Schönberg rigoureusement écrite selon ce principe est la valse de l'op. 23. La série en était : do dièse, la, si, sol, fa dièse, si bémol, ré, mi, mi bémol, do, fa.
La question de la paternité de la dodécaphonie en tant que composition avec douze tons a longtemps été le sujet d'âpres disputes. Un contemporain et compatriote viennois de Schönberg, le compositeur Josef Matthias Hauer (1883-1959), avait en effet développé, à la même époque que lui, un système dont le rigorisme et le concept de base semblait en tous points similaire. Schönberg et Hauer se connaissaient, se fréquentaient et, au début, s'estimaient assez pour tenter de concilier leurs deux méthodes qui se distinguaient tout de même par certains aspects (le dodécaphonisme de Schönberg est plus flexible que celui de Hauer, qui, lui, ne permet la répétition de la série de base que dans le sens où celle-ci est écrite, et non pas également à l'envers — en crabe (Krebs ) —, transposée d'un ton, etc.) Mais peu à peu, l'intransigeance méthodologique de Hauer, combinée au manque de reconnaissance qu'il expérimentait par rapport à son rival et aux élèves de celui-ci, le rendit assez amer pour que les deux hommes se séparassent. Hauer a longtemps revendiqué pour lui-même le rôle du garant d'un sérialisme réellement orthodoxe. Alors que Schönberg n'avait jamais cessé de se tourner, dans l'image qu'il se faisait du rôle du compositeur, vers un passé qu'il idéalisait, Hauer annonce dans son radicalisme novateur certaines écoles "anti-Schönbergiennes" des années 1970, notamment le minimalisme.
Converti au protestantisme en 1898 comme de nombreux israëlites "arrivés" ayant choisi à l'époque l'assimilation, gage d'une certaine respectabilité, Schönberg dut néanmoins se préoccuper de l'antisémitisme, ce qui l'amena à repenser sa propre religion. A priori, l'origine de Schoenberg, compositeur on ne peut plus germanique de tradition, n'a pas d'intérêt musical. Or il est clair que des œuvres comme l'oratorio inachevé Die Jakobsleiter (l'échelle de Jacob), l'opéra inachevé (coïncidence?) Moses und Aron (également superstitieux, Schönberg élimina le second a d'A(a)ron afin de ne pas se retrouver avec un titre de treize lettres) et la pièce de théâtre Der biblische Weg (le chemin biblique) marquent l'évolution et l'approfondissemnt de son interrogation. Face à la montée de l'antisémitisme, qui se manifeste même chez ses amis, comme Wassily Kandinsky (voir infra, Citations), il devient, surtout à partir de 1923, de plus en plus amer et virulent. En 1933, il se reconvertit au judaïsme à la synagogue de la rue Copernic, à Paris. Au cours de la dernière décennie de sa vie, il tentera de proposer un nouveau type de liturgie juive, et même une reformulation complète de certaines prières (le Kol Nidré, prière qui ouvre le Yom Kippour), cependant sans succès.
Outre ses œuvres et essais portant sur la situation sociale et historique du peuple juif, Schönberg écrivit de nombreux ouvrages : des pièces de théâtre, de la poésie, des ouvrages théoriques sur la musique (le célèbre Traité d'Harmonie). Il entretenait également une abondante correspondance, dont le ton désarçonne quelquefois par sa méfiance ou sa virulence. Schönberg fut aussi un peintre suffisamment accompli pour que ses œuvres soient présentées aux côtés de peintures de Franz Marc et de Kandinsky. Il peignit en particulier de nombreux autoportraits, dont un, assez étonnant, de dos. Enfin, Schönberg fut un joueur de tennis amateur passionné. Voisin de George Gershwin, il aimait à aller le défier sur son court. Gershwin lui demandera, en échange, de lui enseigner les rudiments de la technique dodécaphonique, ce que Schönberg refusa en alléguant que cela risquait de détruire le génie mélodique du jeune Américain. Pour l'anecdote, Ronny Schönberg fut un temps tenté de devenir joueur de tennis professionnel.
source : wikipédia