La Belle Epoque ... ce n'était guère la belle époque pour l'opérette française qui traversait une crise profonde : tous les compositeurs qui avaient contribué depuis cinquante ans à sa gloire étaient morts ou sur le déclin. Les créations se caractérisaient trop souvent par la niaiserie des livrets et la platitude des partitions. Et, si l'on excepte Messager (il ne s'adressait pas alors à un public populaire), seuls trois ou quatre musiciens pouvaient prétendre à la succession des Varney, Audran et autre Planquette et résister, autant que faire se peut à l'opérette viennoise qui allait bientôt envahir les scènes françaises. Tel était le cas de Louis Ganne qui, à la fin du siècle, avait déjà acquis une grande notoriété.
Il existe un petit mystère - sans grande importance d’ailleurs - sur la date de création des Saltimbanques à Paris. Tous les historiens sont d’accord : l’ouvrage a été donné pour la première fois à la Gaîté-Lyrique le 30 décembre 1899. Or, pour Pierre-Louis Ganne (son fils ?), Les Saltimbanques avaient déjà été présentés à la Gaîté en 1897 sans aucun succès. Ce serait un impresario de province qui, ayant eu l’idée d’introduire au 2e acte un numéro de cirque, aurait assuré l’avenir de la pièce lui permettant ainsi un brillant retour à la Gaîté... le 30 décembre 1899. Nos recherches pour confirmer ou infirmer le " scoop " de M. Ganne ayant été vaines, nous nous en tiendrons à la date habituellement admise.
Comment la presse de l’époque (Henri de Curzon, dans " Le Théâtre ") a-t-elle apprécié la partition de Louis Ganne et les interprètes ? : " ...Mais c’est encore la musique qu’il faut préférer. Elle tient un bien un peu, à dire vrai, du méli-mélo de la pièce, cette nouvelle partition de M. Ganne. Elle n’est pas toujours très personnelle et cette facilité n’est pas bien neuve. Elle va trop aisément d’un style à l’autre et descend trop vite après être heureusement montée. Mais elle a un vrai mérite, c’est sa verve incontestable, entraînante, surtout dans les motifs dansants où M. Ganne est maître. Ainsi la valse finale du premier acte était fredonnée par la salle entière dès le second couplet... Les motifs du ballet sont également fort réussis, et les ensembles brillants et vigoureusement orchestrés atteignent sans peine l’effet cherché. On me permettra cependant de préférer l’adresse et le goût avec lesquels le musicien a rendu les pages purement sentimentales, mélodies ou triolets de Suzon (qu’on croirait presque tirées d’un cahier de Massenet ou de Delibes), duo avec le bel officier (du vrai et fin opéra-comique), pour le coup), trio entre Suzon et ses deux camarades, etc. N’oublions pas une note comique assez originale : certain choral indifféremment chanté à deux, trois et quatre temps par la petite troupe ordinaire de M. le comte des Etiquettes (...)
... L’ensemble de l’interprétation est bon, sans excès (...). La voix manque généralement, mais on se sauve par l’entrain et la conviction. Paillasse est l’excellent Paul Fugère, et c’est tout dire : son jeu irrésistible est toujours spirituel et il chante trop habilement pour ne pas donner l’illusion. M. Perrin prête au jeune officier son élégance alerte et sa voix d’une agréable demi-teinte. M. Lucien Noël a moins à chanter, cette fois, qu’à paraître un bon et brave homme d’hercule, dans Pingouin : grâce à son physique avantageux il y parvient sans peine, même en maillot chair. M. Vauthier est parfait dans le truculent et tonitruant Malicorne. La gentille Suzon a trouvé une interprète de choix dans Mademoiselle Jeanne Saulier, tout à fait charmante de tenue, avec une petite voix qui dit juste. Mademoiselle Lyse Berty a été très remarquée, avec raison, dans la belle Marion, brune et accorte fille, au jeu gai, à la voix facile (...). C’est M. Ganne qui dirigeait sa partition, j’allais oublier de le dire : mais il n’est pas besoin d’insister sur la valeur qu’en prenait l’exécution ".
L'argument Acte I : Suzanne, dite Suzon a été recueillie tout enfant par Malicorne, directeur de cirque ambulant. Elle a 17 ans lorsque débute l'histoire et fait partie de la troupe du cirque Malicorne au même titre que Paillasse, le clown, Grand-Pingouin, l’Hercule et Marion, la lutteuse, ancienne femme de chambre devenue saltimbanque pour l'amour de son amant Grand-Pingouin.
Jolie comme un cœur, Suzon est courtisée par Paillasse, et même par l’Hercule qui se détache pour un temps de Marion. La jeune fille éprouve beaucoup d'amitié pour ses compagnons mais son jeune cœur n'a encore battu pour personne et elle temporise. Deux officiers tentent d'embrasser Suzon. Un troisième s'interpose et fait des excuses au nom de ses camarades. Il se nomme André de Langeac, il est lieutenant, il est séduisant et sympathique. Il n'en faut pas plus pour que Suzanne qui reçoit habituellement plus de coups et d'outrages que de marques de déférence, tombe amoureuse. André, de son côté, est attiré par la petite saltimbanque.
La parade bat son plein. Malicorne lève sa cravache sur Suzon qui repousse les avances d'un barbon. Grand-Pingouin et Paillasse s’interposent, corrigent Malicorne et prennent la fuite, en compagnie de Suzon et de Marion.
Acte II : Trois mois plus tard, les fugitifs arrivent à Bécanville (Normandie) où nous faisons la connaissance du Comte des Etiquettes et de Madame Bernardin qui passe, à tort ou à raison, pour avoir été ou être sa maîtresse. Le hasard aidant, tous nos personnages vont se retrouver à Bécanville : André, qui vient saluer le comte des Etiquettes, un ami de sa famille et Malicorne à la recherche des fuyards qui sont partis sans payer leur dédit. André et Suzanne se déclarent leur amour. Le comte se prend d'amitié pour la petite saltimbanque, paye le dédit et recueille les fugitifs.
Acte III : Le dénouement approche. Malicorne reconnaît en Mme Bernardin la personne qui lui confia jadis sa fille et le comte comprend que Suzon est son enfant. André épousera donc Suzanne tandis que Paillasse, le cœur meurtri, s'en ira tristement sur la route qui va... et qui n’en finit pas.
source :
http://pagesperso-orange.fr/anao/oeuvre/saltimb.html