Rossini a remanié ses partitions à maintes reprises en réalisant des secondes et des troisièmes versions destinées à des théâtres désireux de reprendre ses œuvres.
‘Maometto Secondo’, créé en 1820 à Naples , sur un texte de Cesare della Valle, duc de Ventignano, a été révisé pour le théâtre de la Fenice de Venise (livret réadapté par Gaetanno Rossi), en vue de la représentation du 16 décembre 1822, inaugurant la Saison du Carnaval 1823, qui devait aussi marquer les débuts de ‘Semiramide’ (3 février).
Dans la version créée à Naples en décembre 1820, les troupes vénitiennes, à la tête desquelles Paolo Erisso, gouverneur de l'ïle et son second Calbo, sont massacrées et la fille d'Erisso, autrefois séduite par Maometto II sous l'identité d'un notable chrétien, préfère se donner la mort plutôt que de devenir l'épouse d'un ennemi et d'un infidèle. Rossini, se doutant que l'évocation de cet épisode historique, même romancé, ne les séduirait pas, adapta l'oeuvre au goût de ses contemporains vénitiens. Ajoutant une ouverture selon le modèle opératique en vogue à Venise, il renonça à une structure musicale novatrice pour revenir à un schéma plus traditionnel et, avec l'aide du librettiste Gaetano Rossi, le finale, de tragique, devint joyeux.
Dans cette version de la Fenice, Maometto II accepte le défi que lui lance Calbo, général en chef des Vénitiens et prétendant à la main d'Anna Erisso. Véritable jugement de Dieu, ce combat voit la défaite des Musulmans. Entre son père et son amoureux, Anna chante alors le rondo final de ‘La Donna del Lago’.
De Naples à Venise, on est donc passé d'une tragédie sanglante à un dénouement des plus conventionnels. Cependant, les beautés musicales sont si nombreuses que ces changements n'affectent pas l'intérêt suscité par la version vénitienne.
VERSION DE VENISE
Personnages
Maometto Secondo (basse) – Selimo (ténor) – Paolo Erisso (ténor) – Anna (soprano) – Calbo (mezzo-soprano) – Condulmiero (contre-alto)
Intrigue
Acte 1.
Dans la colonie vénitienne de Negroponte, le gouverneur Paolo Erisso a réuni le conseil de guerre : les tropes de Mahomet II sont massées aux portes de la ville. Le général Condulmiero, de caractère prudent, propose qu’on se rende mais c’est le jeune général Calbo, plus fougueux, qui l’emporte en incitant tout le monde à défendre la ville jusqu’au bout.
Erisso est inquiet pour le sort de sa fille Anna et propose à Calbo de l’épouser. Mais la jeune fille lui fait part de son amour pour Uberto, seigneur de Mitylène, qu’elle a connu à Corinthe alors que son père était à Venise. Erisso se rappelle cependant avoir vu Uberto à ses côtés pendant tout le voyage : il en déduit donc que quelqu’un s’est fait passer pour le jeune homme. Anna est déconcertée, mais un coup de canon rappelle Erisso et Calbo à la bataille. Les Turcs sont entrés dans la ville grâce à un traître et les troupes d’Erisso se retirent dans la forteresse. A l’aube, les Musulmans donneront l’assaut final et Mahomet fait part de ses projets à son confident Sélim. Celui-ci est surpris que le Sultan connaisse si bien la ville, mais Mahomet lui explique qu’il l’a visitée incognito. Erisso et Calbo sont amenés devant lui, entravés par des chaînes. En entendant leurs noms, Mahomet comprend qu’Erisso est le père de la jeune fille dont il s’est épris à Corinthe, et lui offre la vie sauve à condition qu’il ordonne la capitulation sans condition. Erisso refuse et Mahomet donne l’ordre de soumettre les deux hommes à la torture. Anna se précipite chez Mahomet pour implorer sa pitié et reconnaît en lui celui qu’elle croyait être Uberto. Quand elle menace de se tuer, Mahomet accorde la liberté à Erisso et Calbo, qu’Anna déclare être « son frère ». Puis le Sultan retourne au combat.
Acte 2.
Sous la tente de Mahomet, Anna est en proie en désespoir. Survient Mahomet qui lui déclare son amour et son désir d’en faire sa reine. Anna refuse. Mahomet exhorte alors ses soldates à le suivre à l’assaut du dernier bastion qui résiste encore : la forteresse. En gage d’amour et pour garantir le respect des Musulmans, Mahomet remet à Anna le sceau de l’autorité impériale. Grâce à ce sceau, Erisso et Calbo, déguisés en Musulmans, parviennent à s’enfuir et s’apprêtent à combattre à nouveau. Survient Mahomet qui provoque Erisso. Calbo s’interpose, déclarant avec orgueil qu’il est l’époux d’Anna et non son frère. La bataille servira donc à les départager pour savoir qui des deux hommes conquerra Anna. Sur la tombe de sa mère, Anna s’apprête à se donner la mort si la bataille est défavorable aux siens. Erisso et Calbo arrivent et lui annoncent qu’ils sont parvenus à repousser l’assaut à la forteresse et que Mahomet est en fuite. Anna et le courageux Calbo peuvent enfin s’unir en mariage.