Composé et présenté en1815 à l'opéra de Rome, Torvaldo e Dorliska est un opéra semi sério fort injustement méconnu par la critique et le public. Le Rossini Opéra Festival 2006 a eu l'heureuse idée de le sortir de l'oubli avec une distribution tout à fait homogène.
Pour une fois on nous propose une mise en scène traditionnelle ce qui n'est pas un mal en ces temps on la transposition semble être devenue une mode. Ici on nous propulse dans un coin effectivement indéterminé de l'Europe centrale; On regrettera néanmoins que les pièces du château du duc d'Ordow comme la prison ou la salle à manger n'apparaissent pas de manière effective pour les distinguer du parc, cependant le décor unique est fort joli. Les costumes sont à l'image des personnages : Le duc D'ordow, le méchant de l'opéra, est tout en noir; la douce Dorliska est en rose et en blanc pendant un bref moment et Torvaldo plutôt en marron.
Vocalement le Rossini Opéra Festival nous a gâtés. Si Fransceco Meli est un beau Torvaldo, engagé scéniquement, on regrettera cependant qu'il ait l'air si « poupin ». On dirait un petit garçon plutôt qu'un jeune marié à la recherche de son épouse dont il a été séparé dans une embuscade. La voix est jolie avec de beaux médiums mais les aigus ont besoin d'être travaillés car ils ont tendance à être tendus. Darina Takova, elle, ne manque pas de personnalité et elle donne à Dorliska un tonus éclatant. La voix est très belle et les aigus sont bien présents; à aucun moment Takova ne tremble dans un rôle écrasant; elle est à la fois la jeune épousée terrifiée par les évènements récents et la jeune femme au caractère bien trempé qui trouve l'énergie de résister au tyran. Michele Pertusi est exceptionnel en Duc D’ordow; comédien consommé il donne à son personnage toute la noirceur et le sadisme qui lui colle à la peau. Vocalement c’est magistral : un phrasé remarquable et un aplomb certain dans tous les registres. Bref un duc d’Ordow quasi parfait. Bruno Pratico est un très beau Giorgio; Il est bon comédien et vocalement malgré quelques imperfections ici et la, notamment dans les graves, on ne le dédaignera pas. Jeanne Fisher (Carlotta) et Simone Alberghini (Ormondo) complètent avec beaucoup de bonheur une distribution somme toute excellente. L’Orchestre Haydn de Bolzano et Trente et le chœur de chambre de Prague dirigés par Victor Pablo Pérez en grande forme ce soir la donnent à la soirée un panache que l’on aimerait voir plus souvent.