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| Maurice Ravel (1875 1937) | |
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calbo Admin
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| Sujet: Maurice Ravel (1875 1937) Sam 28 Avr - 23:18 | |
| Joseph Maurice Ravel (Ciboure, Pyrénées-Atlantiques, 7 mars 1875 – Paris, 28 décembre 1937) était un compositeur français de l’époque moderne. Son œuvre, fruit d'une recherche obstinée de perfection et d'un héritage complexe s'étendant de Rameau aux pionniers du jazz, dénote un style original qui, après avoir bénéficié au début du siècle de l'influence impressionniste, s'orienta vers un néoclassicisme plus dépouillé. Reconnu comme un maître de l’orchestration et un artisan méticuleux, Ravel ne s'est jamais départi d'une sensibilité et d'une expressivité qui lui firent évoquer dans son œuvre « les jeux les plus subtils de l’intelligence et les épanchements les plus secrets du cœur » (Le Robert). Le Boléro (1928), les deux concertos pour piano et orchestre (pour la main gauche, 1929-31 ; en sol majeur, 1930-31) et l’orchestration des Tableaux d’une exposition de Moussorgski (1922) sont les quatre œuvres qui ont le plus largement contribué, depuis des décennies, à la renommée mondiale du musicien. Les parents de Ravel peints par l’oncle du musicien. Détails des portraits exposés à Montfort-l’Amaury.Maurice Ravel naquit le 7 mars 1875 quai de la Nivelle à Ciboure, dans les Pyrénées-Atlantiques. Son père, Joseph Ravel (1832–1908), était un ingénieur renommé, aux ascendants suisses et savoyards (Ravex). Sa mère, Marie Delouart-Ravel (1840–1917), était une basque, descendante d’une vieille famille espagnole (Deluarte). Il eut un frère, Édouard Ravel (1878–1960) avec lequel il eut toute sa vie de forts liens affectifs. En juin 1875, la famille Ravel déménagea pour Paris. Les légendes tenaces qui veulent que l’influence de l’Espagne sur l’imaginaire musical de Maurice Ravel soit liée à ses « origines basques » sont donc exagérées, d’autant que le musicien ne retourna pas au Pays basque avant l’âge de 25 ans. En revanche, il revint régulièrement par la suite séjourner à Saint-Jean-de-Luz pour y passer des vacances ou pour travailler. L’enfance de Ravel fut heureuse. Ses parents, attentionnés et cultivés, fréquentant les milieux artistiques, encouragèrent les premiers pas de leur fils adoré qui témoigna très tôt un don musical exceptionnel. Il commença l’étude du piano à l’âge de six ans sous la férule d’Henry Ghys et reçut précocement l’enseignement de Charles René (harmonie, contrepoint, composition). Le climat artistique et musical prodigieusement fécond du Paris de la fin du XIXe siècle ne pouvait que convenir à l’épanouissement du petit Maurice qui cependant, au désespoir de ses parents et de ses professeurs, reconnut plus tard avoir joint à ses nombreuses dispositions « la plus extrême paresse». «Tout enfant, j’étais sensible à la musique — à toute espèce de musique. Mon père, beaucoup plus instruit dans cet art que ne le sont la plupart des amateurs, sut développer mes goûts et de bonne heure stimuler mon zèle». Gabriel Fauré (1845–1924) fut le professeur de Ravel qui lui dédia ses Jeux d'eau et son Quatuor.Entré au Conservatoire de Paris en 1889, Ravel fut l’élève de Charles de Bériot et se lia d’amitié avec le pianiste espagnol Ricardo Viñes, qui devint l’interprète attitré de ses meilleures œuvres et avec qui il rejoignit plus tard la Société des Apaches. Enthousiasmé par la musique de Chabrier et de Satie, admirateur de Mozart, Saint-Saëns et Debussy, influencé par la lecture de Baudelaire, Poe, Condillac, Villiers de L’Isle-Adam et surtout de Mallarmé, Ravel manifesta précocement un caractère affirmé et un esprit musical très indépendant. Ses premières compositions en témoignèrent : elles étaient déjà empreintes d’une personnalité et d’une maîtrise telles que son style ne devait guère connaître d’évolution par la suite : Ballade de la reine morte d’aimer (1894), Sérénade grotesque (1894), Menuet antique (1895) et les deux Sites auriculaires pour deux pianos (Habanera, 1895 et Entre cloches, 1897). 1897 vit entrer Ravel dans la classe de contrepoint d’André Gedalge. La même année, Gabriel Fauré devint son professeur de musique. Ce dernier jugea le compositeur avec bienveillance et salua «un très bon élève, laborieux et ponctuel» à la «sincérité désarmante». Avec la fin de ses études vint la composition de l’ouverture de Shéhérazade (créée en mai 1899 sous les sifflets du public, à ne pas confondre avec les trois poèmes de Shéhérazade pour voix de femme et orchestre datés de 1903), et de la célèbre Pavane pour une infante défunte qui reste son œuvre pour piano la plus jouée par les mélomanes amateurs, même si son auteur ne l’estimait pas beaucoup. À la veille du XXe siècle, le jeune Ravel était déjà un compositeur reconnu, et ses œuvres discutées. Pourtant son accession à la célébrité n’allait pas être chose aisée. L’audace de ses compositions et son admiration proclamée pour les « affranchis » Chabrier et Satie allaient lui valoir bien des inimitiés parmi le cercle des traditionalistes. Les quatre candidatures de Ravel au Prix de Rome (1901, 1902, 1903, 1905) se soldèrent ainsi par d’appréciables échecs. Deuxième Second Grand prix en 1901 (derrière André Caplet et Gabriel Dupont) pour sa cantate Myrrha inspirée du Sardanapale de Lord Byron, il fut éliminé prématurément en 1902 (cantate Alcyone d'après Les Métamorphoses d'Ovide) et 1903 (cantate Alyssa sur un texte de Marguerite Coiffier) avant d’être expulsé en 1905 pour avoir dépassé de quelques mois l’âge limite. Cette dernière affaire provoqua un véritable scandale (Romain Rolland notamment prit sa défense) qui aboutit à la démission de Théodore Dubois, alors directeur du Conservatoire de Paris, et à son remplacement par Fauré. Au-delà du tapage médiatique qui opposa conservateurs et tenants du modernisme, « l’affaire Ravel » contribua à faire connaître le nom du musicien. C’est avec les Jeux d’eau pour piano, datés de 1901, que s’affirma pour de bon la personnalité musicale de Ravel, qui allait rester profondément indépendante dans la richesse du patrimoine musical de l’époque. Bien qu'ayant longtemps porté l’étiquette de « debussyste »[11], il s'avéra que Ravel lui-même avait eu une influence sur Debussy, visible notamment dans les Estampes pour piano (1903). Les critiques musicaux aidant (en particulier Pierre Lalo du Temps, l'un des plus farouches adversaires de la musique de Ravel), cette influence mutuelle fut assez vite vécue comme une dualité par Debussy, et les deux hommes n'eurent jamais que des relations strictement professionnelles. Dès cette époque s'affirmèrent les traits ravéliens les plus caractéristiques : réserve, pudeur, raffinement mélodique, goût pour les sonorités hispaniques et orientales, pour l’exotisme et le fantastique, recherche de la perfection formelle irradièrent l'œuvre du compositeur au cours de la période qui s’étendit de 1901 à 1908 : Quatuor à cordes en fa majeur (1902), mélodies de Shéhérazade (1904), Miroirs et Sonatine pour piano (1905), Introduction et allegro pour harpe (1906), Rapsodie espagnole (1908), Ma Mère l'Oye (1908), suite pour piano sur des contes classiques dédiée aux enfants de ses amis Godebski [12], puis son grand chef-d’œuvre pianistique, Gaspard de la nuit (1908), inspiré d’un poème d’Aloysius Bertrand. Évocation symphonique de la Grèce antique, Daphnis et Chloé est l’œuvre la plus monumentale de Ravel. Décor conçu par Léon Bakst pour la création de l’œuvre en 1912.Avril 1909 trouva Ravel à Londres, chez Ralph Vaughan Williams, pour sa première tournée de concerts à l’étranger. Il put à cette occasion découvrir qu’il était déjà connu et apprécié outre-Manche. Il fut en 1910 (avec Charles Koechlin et Florent Schmitt notamment) l’un des fondateurs de la Société Musicale Indépendante créée pour promouvoir la musique contemporaine, par opposition à la Société Nationale de Musique, plus conservatrice, alors présidée par Vincent d’Indy. Deux œuvres majeures allaient pourtant donner à Ravel bien des difficultés. L'Heure espagnole, premier ouvrage lyrique du compositeur, écrit sur un livret de Franc-Nohain, fut achevé en 1907 et créé en 1911. L'opéra fut mal accueilli par le public et surtout par la critique (le mot pornographie fut lâché). Ni l’humour savoureux du livret ni les hardiesses orchestrales de Ravel n’ont été compris. Parallèlement, pour répondre à une commande de Serge de Diaghilev dont les Ballets russes triomphaient à Paris, Ravel composa à partir de 1909 le ballet Daphnis et Chloé. Cette symphonie chorégraphique, qui utilise des chœurs sans paroles, est une vision de la Grèce antique que Ravel voulait proche de celle que les peintres français du XVIIIe siècle avaient donnée. L’argument de l’œuvre fut co-rédigé par Michel Fokine et Ravel lui-même. Il s’agit de l’œuvre la plus longue du compositeur, et celle dont la composition fut la plus laborieuse. Là encore l’accueil fut inégal après la création en juin 1912, deux ans après le triomphe du révolutionnaire Oiseau de feu de Stravinski. Ce semi-échec provoqua pour longtemps l'amertume de Ravel. 1913. Homme engagé, Ravel soutint sans conditions son ami Stravinski lors de la création tumultueuse du Sacre du printemps à Paris.[13] Cette période qui précédait la guerre, Ravel la décrivit plus tard comme la plus heureuse de sa vie. Il habitait alors un appartement de la prestigieuse avenue Carnot, près de la place de l’Étoile. Maurice Ravel en 1912, année de la création de Daphnis et Chloé et de l'orchestration de Ma Mère l'Oye.Août 1914. La Première Guerre mondiale surprit Ravel en pleine composition de son Trio en la mineur qui fut finalement créé en 1915. Dès le début du conflit, le compositeur chercha à se faire engager, mais, déjà exempté de service militaire en raison de sa petite taille, il fut refusé pour être « trop léger de deux kilos ».Dès lors, l’inaction devint une torture pour Ravel. À force de démarches, il finit par se faire engager comme conducteur de camion (mars 1916) et fut envoyé près de Verdun. Depuis le front, tandis que Debussy tombait dans les travers du nationalisme, Ravel fit une démonstration éclatante de sa probité artistique en refusant, au risque de voir sa propre musique bannie des concerts, de prendre part à la Ligue nationale pour la défense de la musique française, organisation créée en 1916 qui faisait de la musique un outil de propagande nationaliste et interdisait entre autres la diffusion en France des œuvres allemandes et austro-hongroises. « (...) Là où je ne peux vous suivre, c'est quand vous posez en principe que « le rôle de l'art musical est économique et social ». Je n'avais jamais considéré la musique, ou les autres arts, sous ce jour-là (...) Il m'importe peu que M. Schönberg, par exemple, soit de nationalité autrichienne. Il n'en est pas moins un musicien de haute valeur, dont les recherches pleines d'intérêt ont eu une influence heureuse sur certains compositeurs alliés, et jusque chez nous. Bien plus, je suis ravi que MM. Bartok, Kodaly et leurs disciples soient hongrois et le manifestent dans leurs œuvres avec tant de saveur (...) D'autre part je ne crois pas qu'il soit nécessaire de faire prédominer en France, et de propager à l'étranger toute musique française, quelle qu'en soit la valeur. Vous voyez, Messieurs, que sur bien des points mon opinion diffère suffisamment de la vôtre pour ne point me permettre l'honneur de me compter parmi vous. » (Ravel, 7 juin 1916) Victime selon toute vraisemblance d’une péritonite à la fin de 1916, Ravel fut opéré avant d’être démobilisé. La mort de sa mère, en janvier 1917, le plongea dans un tourment sans comparaison avec celui causé par la guerre — il ne devait jamais vraiment s’en remettre [18]. Mais son activité créatrice, bien que ralentie, résista à ces épreuves accumulées. Il acheva cette année-là six pièces pour piano regroupées sous le titre du Tombeau de Couperin, suite dans un style néo-baroque français qu’il dédia à des amis morts à la guerre. Ainsi prenait fin la « grande période » de Ravel. C’est de cette époque que date l’image communément admise du Ravel « dandy », homme volontiers froid et réservé, masqué derrière une affectation et une élégance soigneusement calculées. Mais rien ne trahira mieux sa vraie nature que ses chefs-d’œuvre de l’après-1918. Jusqu’à 1919, traumatisé par le conflit autant que par la perte de sa mère, le compositeur traversa une période de silence et de doute que vinrent seulement interrompre deux commandes cruciales, qui allaient aboutir plus tard à La Valse et à L'Enfant et les Sortilèges. La mort de Claude Debussy (1862-1918), en qui Ravel voyait « un artiste incomparable, un individu au génie des plus phénoménaux » [20], laissait au musicien la lourde tâche de conduire la musique française.La guerre, terminée, avait bouleversé la société et remis en cause les canons esthétiques hérités de la « Belle Époque » : les années d'après-guerre virent ainsi tout un pan de la musique européenne, de Prokofiev (Symphonie classique) à Stravinski (Pulcinella), prendre un virage néoclassique auquel Ravel allait lui aussi contribuer. Pour les quelque douze années d’activité qui lui restaient, la production du musicien se ralentit considérablement (une œuvre par an en moyenne, en excluant les orchestrations) et son style évolua dans le sens d’un « dépouillement poussé à l'extrême » (Ravel, 1928). Son art allait s’ouvrir dans le même temps aux innovations rythmiques et techniques venues de l’étranger, en particulier d’Amérique du Nord. Les années passant, et après la mort de Claude Debussy en 1918, Ravel était désormais considéré comme le plus grand compositeur français vivant. Lui qui avait essuyé des échecs dans la première partie de sa carrière se trouvait désormais comblé d’honneurs, et ce n’est pas sans désinvolture qu’il réagit à l’annonce de sa promotion au rang de chevalier de la Légion d’Honneur en 1920 : il se paya le luxe de refuser la distinction. Satie s’en amusa : «Ravel refuse la Légion d’Honneur mais toute sa musique l’accepte». Le premier chef-d’œuvre de l’après-guerre fut La Valse, poème symphonique dramatique commandé pour le ballet par Serge Diaghilev et joué en première audition en avril 1920 en présence de Stravinski et Poulenc. Ravel y défigurait sciemment la valse viennoise en dépeignant un « tourbillon fantastique et fatal », évocation musicale de l'anéantissement de la civilisation par la guerre récemment achevée. Mû désormais par un désir de dépouillement, se tournant vers une réaction en faveur de la mélodie, c’est à la mémoire de Debussy qu'il composa sa vaste Sonate pour violon et violoncelle que créa sa violoniste fétiche, Hélène Jourdan-Morhange (1922). | |
| | | calbo Admin
Nombre de messages : 3579 Age : 53 Localisation : Poitiers Date d'inscription : 24/11/2006
| Sujet: Re: Maurice Ravel (1875 1937) Sam 28 Avr - 23:18 | |
| En 1921, Ravel s’installa à Montfort-l’Amaury dans les Yvelines, voulant acquérir « une bicoque à trente kilomètres au moins de Paris » : le “Belvédère”.C’est dans cette maison, aujourd’hui un musée, qu’il devait composer la majeure partie de ses dernières œuvres. Cette époque vit la naissance des sensuelles Chansons Madécasses, sur des poèmes d’Evariste Parny (1923), dans lesquelles le musicien exprimait au passage son anticolonialisme (Aoua), et de la rhapsodie virtuose Tzigane (1924). Le Belvédère s’imprégna vite de la personnalité du musicien qui en fit, de son vivant même, un véritable musée (collection de porcelaines asiatiques, jouets mécaniques, horloges). Ravel se fixa à Montfort-l'Amaury en 1921. Sa maison, le Belvédère, devint rapidement le point de ralliement du cercle ravélien.Bien que solitaire et pudique, Ravel eut une riche vie sociale. Le Belvédère de Montfort-l'Amaury devint rapidement le repaire incontournable du cénacle ravélien (entre autres l’écrivain Léon-Paul Fargue, les compositeurs Maurice Delage, Arthur Honegger, Jacques Ibert, Florent Schmitt, Germaine Tailleferre, les interprètes Marguerite Long, Robert Casadesus, Jacques Février, Madeleine Grey, Hélène Jourdan-Morhange, le sculpteur Léon Leyritz, et les deux fidèles élèves de Ravel, Roland-Manuel et Manuel Rosenthal). Mais bien que tous les témoignages convergent pour louer chez lui une générosité et une loyauté indéfectibles, les apparences ne pouvaient entièrement cacher la solitude et la tristesse de cet homme [25], qui trouva une échappatoire dans l’orchestration des Tableaux d’une exposition de Moussorgski, 1922, et dans une série de tournées à l’étranger (Pays-Bas, Italie, Angleterre, Espagne). Ravel ne se maria jamais et aucune relation sentimentale, féminine ou masculine, ne lui est connue. C'est en 1925, année de son 50e anniversaire, que Ravel acheva son œuvre peut-être la plus originale : L'Enfant et les sortilèges. Le projet de cette fantaisie lyrique remontait à 1919, quand Colette se vit proposer (par Jacques Rouché, alors directeur de l’Opéra de Paris) la collaboration de Ravel pour mettre en musique un poème de sa main, intitulé au départ Divertissement pour ma fille. Au terme d'une genèse longue de plusieurs mois, le compositeur en tira une comédie musicale mêlant des genres aussi riches que variés, exprimant plus qu'il ne l'avait encore fait son penchant pour le monde du merveilleux et de l'enfance. L’accueil du public fut mitigé lors de la création de l’opéra à Monte-Carlo en mars 1925, mais la postérité donna la place qu’il méritait à ce bijou du répertoire lyrique. Colette a rapporté avec humour la relation purement professionnelle et distante dans laquelle Ravel la tint au cours de l’élaboration de ce projet.Tandis qu’en 1927 était achevée la Sonate pour violon et piano (dont le second mouvement est intitulé Blues), Ravel s'apprêtait à devenir, avec Stravinsky, la personnalité la plus en vue du monde de la musique. 928 fut pour Ravel l’année de la consécration. De janvier à avril il effectua une gigantesque tournée de concerts aux États-Unis et au Canadaqui lui valut, dans chaque ville visitée, un immense succès. Il se produisit comme pianiste dans sa Sonatine, dirigea l’orchestre, prononça des discours sur la musique dont aucun enregistrement, hélas, ne nous est parvenu. À New York il fréquenta les clubs de jazz de Harlem et se fascina pour les improvisations du jeune George Gershwin, auteur quatre ans plus tôt d'une retentissante Rhapsody in Blue et dont il appréciait particulièrement la musique. À celui-ci lui réclamant des leçons, Ravel répondit par la négative, argumentant : « vous perdriez la grande spontanéité de votre mélodie pour écrire du mauvais Ravel». Dans cet esprit Ravel insista à plusieurs reprises auprès des Américains pour qu'ils cultivent la spécificité de leur musique nationale. La danseuse et riche mécène russe Ida Rubinstein (1885–1960), proche amie de Ravel, fut l’inspiratrice et la dédicataire du Boléro. Portrait de Valentin Serov. Voir l’article Boléro (Ravel). Le retour au en France, Ravel s'attela à ce qui devait devenir son œuvre la plus célèbre et la plus jouée. Après quelques tergiversations, le « ballet de caractère espagnol » que lui avait commandé son amie Ida Rubinstein en 1927 adopta le rythme d'un boléro andalou. Le Boléro fut créé à Paris le 22 novembre 1928 devant un parterre quelque peu stupéfié. Cette œuvre singulière, qui tient le pari de durer plus d’un quart d’heure avec seulement deux thèmes et une ritournelle inlassablement répétés, était considérée par son auteur comme une expérience d’orchestration « dans une direction très spéciale et limitée » [33] , et Ravel lui-même fut vite exaspéré par le succès de cette partition qu’il disait « vide de musique ». À propos d’une dame criant: « Au fou, au fou ! » après avoir entendu l’œuvre, le compositeur aurait confié à son frère : « Celle-là, elle a compris!» En octobre 1928, Ravel fut fait docteur en musique honoris causa à l’Université d’Oxford.Dans sa ville natale, il inaugura, en août 1930, le quai qui porte son nom. De 1929 à 1931, Ravel conçut ses deux derniers grands chefs-d’œuvre. Composés simultanément et créés à quelques jours d’intervalle en janvier 1932, les deux concertos pour piano et orchestre apparaissent comme la synthèse de l’art ravélien, combinant forme classique et style moderne empruntant au jazz. Mais ces deux œuvres frappent par leur contraste. Au Concerto pour la main gauche, œuvre grandiose baignée d’une sombre lumière et empreinte de fatalisme qu’il dédia au pianiste manchot Paul Wittgenstein, répondit l’éclatant Concerto en sol dont le mouvement lent constitue l’une des plus intimes méditations musicales du compositeur. Avec les trois chansons de Don Quichotte à Dulcinée, composées en 1932 sur un poème de Paul Morand, les concertos mirent un point final à la production musicale de Maurice Ravel. Le temps d’une tournée triomphale en 1932 en compagnie de la pianiste Marguerite Long, qui diffusa le Concerto en sol dans toute l’Europe, Ravel prit une dernière fois la mesure de sa renommée. De retour en France, après avoir enregistré ce même concerto sous sa propre direction, il n’avait plus que des projets : notamment un ballet, Morgiane, inspiré des Mille et une Nuits, et un grand opéra, Jeanne d’Arc, d’après le roman éponyme de Joseph Delteil. Jeanne d’Arc ou le grand rêve irréalisé du musicien frappé par la maladie. [37]À partir de l’été 1933, Ravel commença à présenter les signes d’une maladie neurologique qui allait le condamner au silence pour les quatre dernières années de sa vie. Troubles de l’écriture, de la motricité et du langage en furent les principales manifestations, tandis que son intelligence était parfaitement préservée et qu’il continuait de penser sa musique, sans plus pouvoir en écrire ou en jouer une note. L’opéra Jeanne d’Arc, auquel le compositeur attachait tant d’importance, ne devait jamais voir le jour. On pense qu’un traumatisme crânien consécutif à un accident de taxi dont il fut victime en octobre 1932 [38] précipita les choses, mais Ravel semblait conscient du trouble depuis le milieu des années 1920 (la thèse d’une démence de Pick est discutée).[39] Le public resta longtemps dans l’ignorance de la maladie. Chacune des rares apparitions publiques de Ravel lui valait un triomphe, ce qui rendit d’autant plus douloureuse son inaction. En 1935, sur proposition d’Ida Rubinstein (dédicataire du Boléro), Ravel entreprit un ultime voyage en Espagne et au Maroc qui lui apporta un réconfort salutaire, mais vain. Le musicien se retira définitivement à Montfort-l’Amaury où, jusqu’à sa mort, il put compter sur la fidélité et le soutien de ses amis et de sa fidèle gouvernante, Madame Révelot. Le mal continua de progresser. En décembre 1937 fut tentée à Paris une intervention chirurgicale désespérée sur son cerveau malade.[40] Le 28 décembre 1937 s’éteignit Maurice Ravel, à l’âge de 62 ans. Sa mort provoqua dans le monde une véritable consternation, que la presse relaya dans un hommage unanime. Le compositeur repose au cimetière de Levallois-Perret près de ses parents et de son frère. Avec Ravel disparaissait le dernier représentant d’une lignée de musiciens qui avaient su renouveler l’écriture musicale sans jamais renoncer aux principes hérités du classicisme. Par-là même, le dernier compositeur dont l’œuvre dans sa totalité, toujours novatrice et jamais rétrograde, soit « entièrement accessible à une oreille profane » (Marcel Marnat). « Je n’ai jamais éprouvé le besoin de formuler, soit pour autrui soit pour moi-même, les principes de mon esthétique. Si j’étais tenu de le faire, je demanderais la permission de reprendre à mon compte les simples déclarations que Mozart a faites à ce sujet. Il se bornait à dire que la musique peut tout entreprendre, tout oser et tout peindre, pourvu qu’elle charme et reste enfin et toujours la musique.» (Ravel, Esquisse autobiographique, 1928) Ravel reconnaissait en Emmanuel Chabrier (1841–1894) l’un de ses principaux inspirateurs.Né à une époque plus que propice à l’éclosion des arts, Ravel bénéficia d’influences très diverses. Mais comme le souligne Vladimir Jankélévitch dans sa biographie, «aucune influence ne peut se flatter de l’avoir conquis tout entier (…). Ravel demeure jalousement insaisissable derrière tous ces masques que lui prêtent les snobismes du siècle». Aussi la musique de Ravel apparaît-elle d’emblée, comme celle de Debussy, profondément originale, voire inclassable selon l’esthétique traditionnelle. Ni absolument moderniste ni simplement impressionniste (comme Debussy, Ravel refusait catégoriquement ce qualificatif qu'il estimait réservé à la peinture [42]), elle s’inscrit bien davantage dans la lignée du classicisme français initié au XVIIIe siècle par Couperin et Rameau et dont elle fut l’ultime prolongement. Ravel par exemple (à l’inverse de son contemporain Stravinski) ne devait jamais renoncer à la musique tonale et n'usa qu'avec parcimonie de la dissonance, ce qui ne l’empêcha pas par ses recherches de trouver de nouvelles solutions aux problèmes posés par l’harmonie et l’orchestration, et de donner à l’écriture pianistique de nouvelles directions. De Fauré et Chabrier (Sérénade grotesque, Pavane pour une infante défunte, Menuet antique) à la Musique noire américaine (L’Enfant et les sortilèges, Sonate pour violon, Concerto en sol) en passant par l’école russe (À la manière de… Borodine, orchestration des Tableaux d’une exposition), Satie, Debussy (Jeux d’eau, Quatuor à cordes), Couperin et Rameau (Le Tombeau de Couperin), Chopin et Liszt (Gaspard de la nuit, Concerto pour la main gauche), Schubert (Valses nobles et sentimentales), Schönberg (Trois poèmes de Mallarmé), et enfin Saint-Saëns et Mozart (Concerto en sol), Ravel a su faire la synthèse de courants extrêmement variés et imposer son style dès ses premières œuvres. Ce style ne devait d’ailleurs que très peu évoluer au cours de sa carrière, sinon comme il le disait lui-même dans le sens d’un « dépouillement poussé à l’extrême » (Sonate pour violon et violoncelle, Chansons madécasses). Épris de sonorités nouvelles, Ravel s’enthousiasma pour la musique tzigane qui lui inspira sa Rhapsodie de concert pour violon et orchestre (1924). Tableau de Bouguereau.Éclectique par excellence tout en s'inscrivant dans une esthétique indiscutablement française, Ravel sut tirer profit de son intérêt pour les musiques de toutes origines. L’influence notoire jouée sur son imaginaire musical par le Pays basque (Trio en la mineur) et surtout l’Espagne (Habanera, Pavane pour une infante défunte, Rapsodie espagnole, Boléro, Don Quichotte à Dulcinée) participe beaucoup à sa popularité internationale, mais conforte aussi l’image d’un musicien toujours épris de rythme et de musiques folkloriques. L’Orient (Shéhérazade, Introduction et Allegro, Ma mère l’Oye), la Grèce (Daphnis et Chloé, Chansons populaires grecques) et les sonorités Tziganes (Tzigane) l’inspirèrent également. La musique noire américaine, que lui fit mieux découvrir Gershwin au cours de la tournée américaine de 1928, fascina Ravel. Il en introduisit de nombreuses touches dans les chefs-d’œuvre de sa dernière période créatrice (ragtime dans l'Enfant et les sortilèges, blues dans le second mouvement de la Sonate pour violon, jazz dans le Concerto en sol et le Concerto pour la main gauche). Enfin, il est nécessaire de souligner la fascination qu’exerça le monde de l’enfance sur Ravel. Que ce soit dans sa propre vie (attachement absolu, quasi-infantile, à sa mère, collection de jouets mécaniques…) ou dans son œuvre (de Ma mère l’Oye à l'Enfant et les sortilèges), Ravel exprima régulièrement une extrême sensibilité et un goût prononcé pour le fantastique et le domaine du rêve. « Je me refuse simplement mais absolument à confondre la conscience de l’artiste, qui est une chose, avec sa sincérité, qui en est une autre (...). Cette conscience exige que nous développions en nous le bon ouvrier. Mon objectif est donc la perfection technique. Je puis y tendre sans cesse, puisque je suis assuré de ne jamais l’atteindre. L’important est d’en approcher toujours davantage. L’art, sans doute, a d’autres effets, mais l’artiste, à mon gré, ne doit pas avoir d’autre but. » (Ravel, Esquisse autobiographique, 1928). Cette recherche de la perfection fit autant pour son succès auprès du grand public que pour sa défaveur auprès de certains critiques. Tandis que son ami Stravinski raillait sa méticulosité en le qualifiant d’ « horloger suisse », certains ne virent dans sa musique que sécheresse, froideur ou artifice. Ravel, qui ne reniait rien de son amour pour les artifices et les mécanismes mais cherchait toujours, en citant Edgar Poe, « le point à égale distance de la sensibilité et de l’intelligence », répliqua avec une phrase devenue célèbre : « Mais est-ce qu’il ne vient jamais à l’esprit de ces gens-là que je peux être « artificiel » par nature?» Composer semble n’avoir jamais été chose facile pour Ravel. Son refus de céder à cette « haïssable sincérité de l’artiste, mère de tant d'œuvres bavardes et imparfaites » lui donna le goût de la contrainte auto-imposée, et plus encore de la difficulté vaincue. C’est sans doute ce qui explique la faible abondance de ses œuvres, dans une période créatrice pourtant longue de près de quarante ans, et l'état d'inachèvement dans lequel il laissa plusieurs projets, notamment l'opéra La Cloche engloutie (1906) et le concerto Zazpiak Bat. Pleinement conscient de son caractère, Ravel pouvait confier à Manuel Rosenthal : « Oui, mon génie, c’est vrai, j’en ai. Mais qu’est-ce que c’est ? Eh bien, si tout le monde savait travailler comme je sais travailler, tout le monde ferait des œuvres aussi géniales que les miennes». Quoi qu’il en soit, de l’incroyable ouverture de L'Heure espagnole aux onomatopées de L'Enfant et les Sortilèges, de la pédale obstinée de si bémol du Gibet dans Gaspard de la nuit à la rigidité rythmique et temporelle du Boléro, cet entêtement dans la quête de la perfection et ce goût de la gageure font beaucoup pour la légende ravélienne. | |
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| Sujet: Re: Maurice Ravel (1875 1937) Sam 28 Avr - 23:20 | |
| Ravel fut selon Marcel Marnat « le plus grand orchestrateur français » et de l’avis de nombreux mélomanes, spécialistes ou non, l’un des meilleurs orchestrateurs de l’histoire de la musique occidentale. Son œuvre la plus célèbre, le Boléro, ne doit-elle pas sa tenue à la seule variation des timbres et à un immense crescendo de l’orchestre? Passé maître dans le maniement des timbres (quoique n’étant pas lui-même adepte de nombreux instruments), sachant trouver l’équilibre harmonieux le plus subtil, Ravel sut transcender de nombreuses œuvres originales (le plus souvent écrites pour le piano) et leur donner une dimension nouvelle, que ces pages fussent de lui (Ma mère l’Oye, 1912, Valses nobles et sentimentales, 1912, Alborada del gracioso, 1918, Le Tombeau de Couperin, 1919…) ou de ses éminents confrères : Moussorgski (Khovantchina, 1913), Schumann (Carnaval, 1914), Chabrier (Menuet pompeux, 1918), Debussy (Sarabande et Danse, 1923) ou encore Chopin (Étude, Nocturne et Valse, 1923). Mais ce fut l’orchestration des célèbres Tableaux d’une exposition de Moussorgski, commande de Serge Koussevitzky achevée en 1922 à Lyons-la-Forêt chez son ami Roland-Manuel, qui assit définitivement la réputation internationale de Ravel en la matière. Sa version reste la référence et éclipse celle des autres compositeurs qui s’y sont essayés, même si certains regrettent que ce travail ait diminué la simplicité et la naïveté de la page originale. Les Tableaux orchestrés par Ravel font partie, avec Boléro, des œuvres françaises les plus représentées à l’étranger. Ravel fut bon pianiste sans être un virtuose (certaines de ses propres œuvres, notamment le Concerto en sol qu’il rêvait de présenter lui-même, lui restèrent inaccessibles). Il fut propriétaire de plusieurs pianos droits, le dernier étant encore exposé à Montfort-l'Amaury. Au cours de sa tournée américaine en 1928, il joua sa Sonatine, accompagna sa Sonate pour violon et certaines de ses mélodies. En tant que chef d’orchestre, il n’égala jamais, même de loin, ses qualités d’orchestrateur. Le seul enregistrement qu’il a laissé (un Boléro daté de 1930) et les témoignages de l’époque confirment que Ravel n’était pas un virtuose au pupitre. Il dirigea pourtant avec un immense succès son Concerto en sol au cours de sa dernière tournée, en 1932.
source : wikipédia | |
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